Festival de Cannes 2012 : Les auteurs à la fête

Pour sa 65ème édition, le festival de Cannes propose une compétition haut de gamme où figurent entre autres les nouveaux films Michael Haneke, Ken Loach, Jacques Audiard et Leos Carax. À quoi faut-il s’attendre ?

65 ans et toujours pas de retraite en perspective… Du 19 au 27 mai, le festival de Cannes, comme à son habitude, déroulera son tapis tout rouge pour accueillir quelques stars et, surtout, la fine fleur du cinéma d’auteur mondial. Avec une demi-heure de retard sur l’horaire annoncé, Gilles Jacob et Thierry Frémaux, respectivement président et délégué général du festival, ont annoncé le (beau) programme en fin de matinée dans les luxueux salons parisiens du Grand Hôtel, à deux pas de l’Opéra.
Sous le regard pointilleux de Nanni Moretti et de son jury, qui pour succéder à Terrence Malick (palme d’or l’an passé avec The Tree of life), Jean Dujardin (meilleur acteur pour The Artist, de Michel Hazanavicius), Kirsten Dunst (meilleure actrice pour Melancholia de Lars Von Trier) ? Soucieux de faire rimer exigence créatrice et potentiel populaire - ce qui fut fait en 2011 avec la présentation de Drive, Polisse, The Artist et consorts -, Thierry Frémaux et son équipe ont fait le tri parmi 1779 films visionnés et ont retenu pour la compétition 22 titres qui, à leurs yeux, constituent le meilleur de la production mondiale.

Les habitués dans la maison

Ils ont leurs ronds de serviettes au festival et, en toute logique, on les retrouve fidèles au poste. Parmi les cinéastes en lice cette année, quatre ont déjà décroché une palme d’or par le passé. Michael Haneke (Le ruban blanc, palme 2009) présente Amour, un film sur les ravages de l’âge qui ne s’annonce pas plus frivole que les autres titres de l’austère autrichien. Le Roumain Cristian Mungiu, révélé à Cannes en 2007 avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, propose Beyond the hills, une sombre histoire de possession diabolique et de descente aux enfers. Deux autres metteurs en scène reviennent sur les lieux de leurs beaux crimes antérieurs avec la ferme intention de doubler la mise, un exploit effectué jusqu’alors par de très rares cinéastes (Shohei Imamura, Bille August, Emir Kusturica, Francis Ford Coppola, Luc et Jean-Pierre Dardenne). Ces deux-là ont quelques raisons d’y croire, puisque le président Moretti n’a jamais caché qu’il les aimait beaucoup… D’abord Ken Loach avec La part des anges, une comédie sociale où les pintes de bière et les « fuck » devraient se ramasser à la pelle. De quoi s’offrir une seconde palme après  Le vent se lève, en 2006 ? Ensuite Abbas Kiarostami qui fête son retour sur la croisette avec Like someone in love, un film énigmatique tourné au Japon. Quand Kiarostami reçut la palme d’or en 1997 pour Le goût de la cerise, un certain Nanni Moretti figurait au jury présidé par Isabelle Adjani…

Autres cinéastes abonnés au festival et qui tentent une nouvelle fois leur chance : les Coréens quasi homonymes, HONG Sangsoo (In another country, avec Isabelle Huppert) et IM Sangsoo (Taste of money), le très « auteuriste » Mexicain Carlos Reygadas (Post Tenebras Lux) et, surtout, Walter Salles avec le très attendu Sur la route (Jack Kerouac revisité) et David Cronenberg avec Cosmopolis ( Don DeLillo revu et corrigé). Ces deux derniers films sortent en salle le 23 mai, parallèlement à leur programmation cannoise. L’occasion pour Kristen Stewart (chez Walter) et Robert Pattinson (chez David), les ex de Twilight et ex tout court, de communiquer par films interposés.

La France en lice pour la palme ?

On annonçait pléthore de candidats hexagonaux pour la compétition et on ne retrouve que trois noms à l’arrivée (sous réserve de nouveaux venus dans les prochains jours, une « possibilité », selon Thierry Frémaux). Un revenant, Leos Carax avec Holly Motors, où le fidèle Denis Lavant est bien entouré, puisque Eva Mendès et la guest star pop Kylie Minogue figurent au casting. Un vétéran, Alain Resnais, le plus créatif cinéaste français en activité, qui revient à Cannes avec Vous n’avez encore rien vu, un film qui, on l’espère, respectera son titre à la lettre. Un favori, enfin, Jacques Audiard, qui est passé à un cheveu de la palme avec Un Prophète en 2009 et qui tentera de parvenir à ses fins avec De rouille et d’os, un film qui offre à Marion Cotillard sa première présence en compétition. Exit donc François Ozon (Dans la maison), Laurent Cantet (Foxfire), Xavier Gianolli (Superstar) ou Olivier Assayas (Après mai), tous pressentis ces dernières semaines pour défendre les couleurs nationales.  
À noter enfin, comme l’an passé, que le film de clôture (présenté hors compétition) sera une nouvelle fois tricolore : Thérèse Desqueyroux du regretté Claude Miller (d’après François Mauriac) succédant aux Bien aimés, de Christophe Honoré. L’occasion d’une montée des marches évidemment particulière pour Audrey Tautou, Gilles Lellouche et la prometteuse Anaïs Demoustier.

Glamour or not ?
Où sont les stars ? Amis du glamour, réjouissez-vous, elles sont là. Nicole Kidman se dédouble, puisque elle est à la fois l’héroïne de The Paperboy, de Lee Daniels (compétition) et celle de Hemingway & Gellhorn, de Philip Kaufman (hors compétition). Hollywood, toujours : un an après avoir été privé de prix d’interprétation par la faute de Jean Dujardin, Brad Pitt, sorti vivant de l’aventure Tree of life, revient à Cannes dans le très attendu Killing them Softly, de Andrew Dominik, un film noir qui s’annonce très noir où il incarne un… tueur à gages. Bruce Willis, enfin, s’amuse en scout chez Wes Anderson  qui, avec Moonrise Kingdom, a l’honneur d’ouvrir le festival le 16 mai au soir (sortie en salle le même jour).

Toujours au rayon people, deux curiosités notables. D’abord, rayon pose rock, la présence dans la section Un certain regard, du doublon Charlotte Gainsbourg - Pete Doherty, réunis par la Française Sylvie Verheyde pour une adaptation forcément électrique de Confession d’un enfant du siècle, d’Alfred de Musset, un punk en son temps. Si une fête nocturne est organisée autour de ce film, elle s’étirera forcément jusqu’au petit matin blafard. Ensuite, toujours à Un certain regard, on suivra avec attention les débuts dans la carrière de Brandon Cronenberg le fils de David, qui déboule avec Antiviral, un titre qui semble indiquer que la relève familiale dans le cinéma de genre est assurée.

Des surprises à prévoir ?

Au sein d’une compétition surchargée en cinéastes talentueux, les outsiders tireront-ils leur épingle du jeu ? S’il est impossible de se hasarder à un quelconque pronostic (au risque quasi certain du ridicule), il conviendra néanmoins de surveiller de près le nouveau film de l’Italien Matteo Garrone (Reality), un cinéaste très apprécié par son compatriote Moretti. Également en bonne place dans le viseur : Jeff Nichols qui, un an après Take Shelter (présenté en 2011 à la Semaine de la critique) revient avec Mud, une histoire de chasse à l’homme où figure Matthew McConaughey, également en tête d’affiche de The Paperboy et donc deux fois en course pour le prix d’interprétation. À surveiller itou, Lawless de John Hillcoat, un film sur la Grande Dépression qui témoigne du retour en force du cinéma américain en compétition et (surtout) donnera l’occasion d’admirer une nouvelle fois la sublime Jessica Chastain. Une présence qui ne fera pas oublier l’absence des femmes cinéastes dans le grand combat cannois. Jane Campion, palme d’or en 1993 avec La leçon de piano (ex æquo avec Chen Kaige et Adieu ma concubine) restera donc la seule réalisatrice à avoir connu la consécration suprême en 65 éditions de festival. À ce jour, c’est la seule certitude concernant le palmarès et l’on s’en serait bien passé.

Réf : evene.fr

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